Fin de la Seconde Guerre mondiale : les États-Unis lancent le vaste plan de reconstruction du monde, faisant du pays la première puissance du Monde. Les constructeurs ferroviaires sont à nouveau libre de produire et doivent accompagner ces changements. La transition era démarre, et les deux gros constructeurs de locomotives Diesel, American Locomotive Corporation (Alco) et l’Electro Motive Division de General Motors (EMD-GM), ont à accompagner toutes compagnies dans ce changement massif.

EMD tient le marché pour les trains de marchandises à traction thermique, avec les F-units. Ces machines à cabine frontale permettent créer des blocs de locomotives (combinaison entre unité A et unité B). Cette disposition est idéale pour des trains-bloc de marchandises nécessitant de la puissance. Elle est en fait héritée des locomotives de première génération, moins puissantes, qui nécessitaient d’être trois ou quatre pour compenser la force d’une locomotive à vapeur.
L’absence de réversibilité (il faut soit retourner chaque loco, soit les garder couplées) et leur construction en car-body nécessitant une maintenance dans un petit couloir interne sont deux critiques fréquentes. Malgré cela, la facilité d’utilisation, la fiabilité et la puissance des modèles d’après-guerre font que les séries F sont un énorme succès commercial, qu’Alco peine à égaler.

Mais Alco a développé un concept inédit, celui du road-switcher. Ces machines sont réversibles, couplables en consist, pour tous usages : manœuvre, pleine ligne, desserte, trains de voyageurs, etc. La RS1, créée avant la guerre, d’ailleurs choisie pour être une des locomotives de l’US Army, et est ensuite produite jusque dans les années 1960. Alco propose ensuite la RS2, puis la très répandue RS3, issues des séries précédentes.
Les road-switcher n’ont pas la silhouette des unités fret classiques. Une cabine décentrée par rapport à l’axe du chassis, est encadrée par un short hood et un long hood.
En 1948, EMD lance son road-switcher, les BL1 et BL2, une reprise d’un F3, en y ajoutant une carrosserie moitié car-body et moitié switcher. Peu pratique et difficile à maintenir, chère et peu pratique, moins de 60 exemplaires sont construits.
Les débuts des Geep
EMD lance alors le programme « GP », (« General Purpose », « tous usages »). Richard Dilworth, PDG d’EMD, raconte la suite. Pour lui, il faut une locomotive répondant à deux points clés :
- une machine laide qui ne serve pas à « plaire » aux dirigeants mais qui soit envoyée faire du travail utile,
- une machine simple à construire et dépouillée des fioritures esthétiques des F-unit, donc moins chère à produire.
La première machine est la GP7, sur la base de la meilleure vente d’EMD, la F7. Elle répond parfaitement au cahier des charges, avec en bonus une silhouette pas si laide. À l’intérieur, le moteur 567B (1500 chevaux pour 16 cylindres) est le classique de la marque, largement éprouvé. Une option pour les trains de banlieue est proposée, avec un générateur de vapeur dans le short hood. Lancée en octobre 1959, c’est un succès colossal avec 2729 exemplaires sont construits.
Les « Geep » sont un grand succès, et EMD poursuit la production avec la GP9, dont le seule changement majeur est un moteur 567C de 1750 chevaux. La production est très courte, entre 1954 et 1959, mais 3626 exemplaires, incluant 165 unités B, sont produites. Cela sans compter les 646 GP9 construites par General Motors Diesel pour le marché canadien, jusqu’en 1963.
Les Geep sont omniprésentes. Il est difficile de trouver une compagnie nord-américaine qui n’en a pas eu. Quelques unités ont été construites pour les rails brésiliens. Quelques unités F, ou des GP7 accidentées, sont reconstruites comme GP9M.
La GP18, avec un moteur de 1 800 chevaux, est produite à 390 exemplaires - hors export - entre 1959 et 1963.
Chacune des trois Geeps est produite en version CC, avec 6 essieux par bogie, les SD7, SD9 et SD18.
Ces trois séries communes ont été le socle de EMD pour ses générations de roadswitchers, et ont contribué aux séries suivantes de nouvelles locomotives.
Des traits communs, beaucoup de différences
Les Geep ont été livrées avec d’éventuelles options, sans compter les modifications effectuées par les compagnies :
- Détail flagrant : l’option Low nose ou High nose ; ce dernier est l’emplacement pour une génératrice de vapeur pour les trains de voyageurs, mais est aussi conservé par certaines compagnies pour absorber les chocs en cas de collision.
- Détail moins flagrant : longueur de 55’ 11« (17,04 mètres) ou 56’ 2 » (17,11 mètres) pour les GP7, compensée par la longueur des attelages.
- Emplacements différents du bouchon de remplissage en carburant : à l’arrière sur les séries anciennes, puis au milieu, puis à l’avant (comme pour toutes les GP18)
- Dessus de réservoir de forme carrée ou ronde.
- Dynamic brakes en option, les premières phases des GP7 n’en ont pas.
- Ventilateurs de toiture : soit quatre ventilateurs de 36« , ou deux de 48 ».
- Certaines GP9 construites par GMD ont leurs réservoirs à air longitudinaux, au dessus du réservoir de carburant, plutôt que transversaux, derrière celui-ci.
Petite revue en images, il y a vraiment un air de famille !

Locomotive restaurée en état d’origine.







En modélisme, sur la période moderne, vous pouvez prendre une locomotive avec une livrée donnée, et just ajouter le « patch » du nouveau propriétaire.

Reconstruire pour durer
Aujourd’hui, les « Geep » sont toujours en service. De très nombreuses compagnies les utilisent toujours, que ce soit en versions d’origine, ou reconstruites.
Les versions d’origine sont très souvent améliorées. Les high nose, qui abritaient des génératrices de vapeur, ont très souvent été retirés, donnant plus de visibilité aux équipes de conduite. Bien des modifications peuvent être apportées : gyrophare, antennes, échappements reconstruits, voire de nos jours clim, GPS, rétroviseurs... Certaines sont même des slugs.
Certaines modifications sont faites en profondeur ; les « rebuilt ». Parfois une collaboration avec les compagnies, ou à l’initiative de celles-ci, elles permettent de créer un modèle presque neuf et plus à jour sans avoir à acheter une nouvelle locomotive.

Ainsi l’Illinois Central a créé les EMD GP10 sont créées sur la base de GP7, GP9 ou GP18. L’option étant populaire, une vingtaine de compagnies ont converti leurs locomotives, en achetant un « kit de conversion » ou en confiant leurs machines à EMD. Les GP8 et GP11 de Illinois Central sont elles toutes reconstruites dans les ateliers de la compagnie à Paducah, sur des plans « maison ». Le Seaboard Coast Line en fera de même avec sa série GP16 « home made ».
Les GP20 sont basées sur des modifications profondes faites sur des GP18 par l’Union Pacific, notamment avec l’ajout d’un turbocompresseur ; 260 exemplaires sont construits.
EMD tente de se lancer sur le marché des rebuilts, mais sans y parvenir. En 1992, les trois démonstrateur de sa série BL20-2 n’ont pas trouvé acquéreur.

Les EMD GP22ECO ne sont pas des rebuilts de GP7, GP7 ou GP18, mais des GP40 et GP40-2. Cependant, un des deux premiers démonstrateurs signés EMD et le Norfolk Southern est une GP9.
À partir des années 2000, les changements de réglementation concernant la pollution ou le coût des carburants font que les Geep avec leurs moteurs d’origine ne sont plus adaptées. EMD propose les GP20C-ECO, qui sont adoptées par le Canadien Pacifique sur la base de GP9, et également par le KCS ou la compagnie péruvienne Southern Peru Copper Corporation.
Des machines à avoir
Vous l’aurez compris, ces machines sont partout, et durent dans le temps. Que vous modélisiez une shortline sans le sou ou une compagnie de classe I, il y a toutes les chances pour qu’une GP7, GP9 ou GP18 y roule, dans sa forme originelle ou sous forme de rebuilt. Ce n’est pas pas hasard si de très nombreux modèles sont disponibles en O, HO et N !