Quel est le nouvel acteur issue de cette histoire ? Son portrait, déjà présent dans notre glossaire, est assez simple à brosser, et il ne manquera pas être mis à jour :
- CPKC
Canadian Pacific Kansas City Compagnie de chemin de fer de classe I, fondée le 14 avril 2023, par la fusion-acqusition par le Canadian Pacific du Kansas City Southern.
Le CPKC est la première compagnie à relier directement les trois pays d’Amérique du Nord.
Le 21 mars 2021, le Canadian Pacific annonce l’acquisition du Kansas City Southern, avec l’approbation des deux conseils d’administration.
Le Canadien National fait alors une offre non-sollicitée, plus élevée. En mai 2021, le Kansas City Southern annonce souhaiter fusionner avec le Canadian National. L’offre est finalement retirée en fin septembre 2021.
Cette acquisition du KCS par le CP est approuvée par le Surface Transportation Board le 15 mars 2023 ; les concurrents ont tenté - en vain - de démontrer que cette fusion sera néfaste au trafic fret aux USA. La fusion est effective le 14 avril 2023.
Le sigle CPKC est utilisé, contrairement au nom officiel de « Canadian Pacific Kansas City Limited ».
L’histoire est écrite, mais qui compose cette famille ? Quel sera le futur pour les différents composants de cette fusion ?
Côté nord
Comme nous l’avons vu, c’est du côté du Canada que l’offre est venue. Le Canadien Pacifique [1] est loin d’être un perdreau de l’année, c’est même un chemin de fer de classe I historique et depuis longtemps en très bonne santé financière :
- Canadien Pacifique
Canadian Pacific, CP, CPRS Ex compagnie de chemin de fer de classe 1, créé en 1881, elle fusionne avec le KCS en 2023 pour devenir le CPKC.
L’essentiel de ses lignes sont au Canada, avec une desserte de Chicago et de New-York. Sa principale filiale aux États-Unis est la SOO line.
De 1881 à 1885, le Canadien Pacifique construit la première ligne trans-continentale canadienne, reliant Montréal à la Colombie-Britannique. En 1889, elle relie l’océan Atlantique à l’océan Pacifique.
Dans les années 1910, le CP participe à la croissance de l’agriculture en Alberta (pour bénéficier des revenus du transport agricole), en construisant des canaux d’irrigation et des retenues d’eau. Elle possède également des filiales dans l’hôtellerie, la navigation, l’aviation et le transport routier. Ces deux dernière filiales gagnent en importance à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, contribuant à la bonne santé constante de la compagnie ferroviaire.
À partir de 1962, le CP devient une compagnie holding : chaque filiale devient indépendante. Elle poursuit ses investissements en achetant des compagnies non-ferroviaires. En 1978, elle transfère son service voyageurs à Via Rail.
L’accord de libre échange entre Canada et USA de 1989 fait officiellement entrer le CP aux USA. Depuis 1990, elle possède la Soo Line Corporation, qui rassemble ses intérêts aux États-Unis, principalement dans le midwest. D’autres compagnies nord-américaines sont filiales du CP, comme le Delaware and Hudson (depuis 1991, accès à New-York), le Chemins de fer du Centre du Maine et du Québec, ou les Canadian Pacific Lines in Vermont.
Son emblème est le castor.
Après avoir tenté d’autres acquisitions ambitieuses (le CSX en 2014, le NS en 2015), le 14 avril 2023, le Canadian Pacific acquiert le Kansas City Southern et devient le CPKC.

Ses intérêts aux États-Unis existent depuis longtemps au travers de sa filiale :
- Soo Line Corporation
SOO, Soo Line Compagnie de chemin de fer de classe 1, fondée par le Canadien Pacifique en 1961 pour gérer les intérêts de cette compagnie aux États-Unis.
Il s’agit à la base du Minneapolis, St. Paul and Sault Ste. Marie Railroad, fondé en 1884 et racheté par la suite par le CP. Le nom vient de la prononciation de « Sault ».
Le 1er janvier 1961, le SOO est fusionné avec les autres filiales du CP aux USA, le Wisconsin Central Railroad, and Duluth et le South Shore and Atlantic Railroad pour former le Soo Line Railroad.
Le Minneapolis, Northfield and Southern Railway est acquis en 1982, puis les restes du Milwaukee Road en 1986. En 1987, le SOO vent une partie importante des voies du Wisconsin Central au CN.
Les machines, certains wagons et les cabooses sont peints en blanc avec un nez rouge et un châssis gris foncé, avec un grand marquage « SOO » sur les côtés. Puis la livrée du CP est appliquée à l’ensemble du matériel ; seul le Surface Transportation Board fait la différence entre les compagnies.

En 1981, la SOO a encore sa livrée blanche caractéristique.
Elle a à présent été remplacée par la livrée « action red » du CP. Photo : Bruce Fingerhood, CC-BY, source
Côté sud
- Kansas City Southern
KCS, KCSR, KCSI Fondée en 1887, c’était la plus petites des compagnies de classe 1 du premier quart du XXIe siècle.
Elle exploite des lignes entre le Midwest et le golfe du Mexique.
Elle est achetée par le Canadian Pacific en mars 2023, la fusion le 14 avril 2023 aboutit à la création du CPKS.
Après sa fondation, elle progresse depuis Kansas City vers le sud grâce au soutien financier d’investisseurs hollandais, puis de George Pullman.. Elle est refondée en 1900 suite à une faillite.
En 1939, elle achète le Louisiana and Arkansas Railway, qui lui donne accès aux ports du sud, dot la Nouvelle-Orléans.
En 1962, la compagnie change de nom pour Kansas City Southern Industries (KCSI), holding regroupant diverses activités en plus du ferroviaire. En 2002, suite à un besoin de capitaux, les activités non-ferroviaires de KCSI ont toutes été revendues, et la compagnie reprend le nom de Kansas City Southern. Elle effectue alors d’importants investissements en matériel.
L’acquisition du MidSouth Rail Corporation (au Texas en 1994), puis du Kansas City Southern de México (au Mexique, depuis 1995 ; acquisition finalisée en 2002), approuvés par le STB, boostent le trafic du KCS vers le Mexique. Le Gateway Western Railway (vers Saint-Louis, en 1996), le Panama Railroad Company (ex- Panama Canal Railway Company, co-acquisition en 1998) et le Texas Mexican Railway (au Texas, depuis 2005) rejoignent ensuite le groupe.

Deux EMD GP22ECO du KCS, l’une en livrée grise, l’autre en livrée Southern Belle
Photo : Justin Smith, CC-BY, source
- Kansas City Southern de México
KCSM, Transportación Ferroviaria Mexicana, TFM Compagnie mexicaine de chemin de fer créée en 1997, et depuis avril 2023, partie prenante du CPKC.
Lors de la privatisation des chemins de fer mexicains en 1995, le marché pour l’exploitation de la très profitable ligne du nord-est est remporté en 1997 par Transportación Ferroviaria Mexicana (filiale de Transportación Marítima Mexicana et de KCSI). Elle exploite des lignes au nord-est du Mexique, jusqu’à la frontière avec les USA. Elle touche les deux océans et dessert Mexico City.
TFM est depuis 2005 une filiale à 100% du Kansas City Southern, qui la rebaptise alors Kansas City Southern de México.

Petit bonus : une ligne en Amérique centrale fait partie de la dot :
- Panama Railroad Company
PCRC Compagnie de chemin de fer, filiale du Kansas City Southern, et exploitant la ligne parallèle au canal de Panama.

Une EMD F40PH en livrée Southern Belle
BetziP, CC-BY-SA 3.0, source
Le mariage

Soyons clairs : malgré les preuves de bonne volonté du CP (et les violons qui vont avec), ce n’est pas un mariage égalitaire. C’est bien les Canadiens qui ont mis 31 milliards de dollars sur la table. Toute la communication, tout comme les logos, sont clairement sous le ligne du castor. Le KCS s’efface...
Côté stratégie, le CPKS est la première compagnie à relier les trois pays d’Amérique du Nord [2]. Si la majorité des voies exploitées sont au Canada, dans les plaines du nord-est des USA et au Mexique, l’atout majeur du CPKS est la ligne entre, au nord, le gigantesque hub ferroviaire qu’est Chicago et, au sud, le Mexique ainsi que le delta du Mississippi.

Les deux compagnies se connectent à Kansas City, via une voie unique (littéralement). Les volumes échangés étaient assez faibles, mais la fusion promet une augmentation significative du nombre de trains, du fait de la levée du changement de machines. Plusieurs partenariats et marchés ont d’ores et déjà été signés entre le CPKC et d’autres entreprises de transport. Le Canadien National, qui jusqu’ici régnait seul sur ce tronçon nord-sud, a donc, logiquement, fortement réagi à cette fusion en annonçant des partenariats avec les chemins de fer mexicains.
Sur le terrain, la fusion prendra trois ans. C’est assez court pour ce type de fusion, mais les deux compagnies avaient déjà en commun leurs logiciels d’exploitation ou de gestion du matériel. Quelques points pratiques ont déjà été réglés, comme la fermeture des bureaux de la SOO à Minneapolis, pour transférer la gestion des voies aux États-Unis à Kansas City.
La question qui occupe mes amateurs de trains reste de savoir à quoi ressemblera la livrée du CPKC. Certains ont déjà prévenu : il faut se dépêcher de photographier la livrée Southern belle...