« La préparation : 50% du succès »
hargloub — De mon point de vue, pas question de traverser l’Atlantique sans avoir investi dans du travail préparatoire de rat de bibliothèque, afin de repérer les coins à trains que l’on veut visiter. Il ne faut pas compter ses heures de lecture préalable et de programmation des coordonnées géographiques pour mettre à profit son passage et son affût.
Il y a une quinzaine d’année, les GPS n’étaient pas aussi courants qu’ils le sont aujourd’hui. Néanmoins, Google Maps permettait déjà d’affiner la localisation des bons coins, et la moins mauvaise façon d’y arriver. C’étaient l’atlas routier Rand McNally et les post-it qui servaient de guide. Désormais, les smartphone les ont bien supplantés.
Voici quelques ouvrages de référence que j’utilise, certains épuisés, mais facilement trouvables en occasion :
- Guide to North American Railroads hot spots, J. David Ingles, éditions Kalmbach 2001 (en anglais)
- Hot spots guidebooks, great places to watch trains, éditions Kalmbach 2012 (en anglais)
- Diesel USA - Des rocheuses au Pacifique – par Philippe Feunteun et Rodolphe Sabiron (en français)
- No trespassing - par Veit Krausche (en allemand) 2013
- Trains magazine (mensuel en anglais [1]). Chaque numéro comporte un chapitre détaillé sur un coin de spot avec les accès, les périodes de trafic, le type de convois, et les activités non ferroviaires à proximité pour les épouses et enfants lassés de la chose ferroviaire.
- Sites de fans locaux (ou non) partageant la passion de la photo ferroviaire, et pas avares de conseils. Les rencontres avec les locaux quand elles peuvent être nouées sont les plus fructueuses. l’organisation en clubs est incroyablement développée par rapport à celle connue dans notre hexagone national.
- Les très nombreux musées ferroviaires constituent une opportunité rêvée pour prendre contact et glaner des informations précieuses, et ainsi, réussir son tour ferroviaire.
Avec cette méthode, il y a toutefois de fortes probabilités que vous spottiez exactement aux mêmes endroits que les photographes des ouvrages source ! Mais c’est du garanti bonne pioche et spectacle.
Dominique — Chercher sur Google Earth me semble être une très bonne aide, c’est comme cela que j’ai trouvé de bons spots çà et là.
BEn — Effectivement, la préparation est un élément clé. Pour ma part, mes voyages aux USA étant contraints par le boulot (et c’est le boulot qui réserve l’avion), j’ai toujours peu de temps pour voir des trains. Donc je vais au plus pratique, au plus facilement atteignable.
Déjà, je regarde ce qui est accessible depuis l’hôtel. Et parfois, on a beaucoup de chance ! Les transports en commun sont aussi une bonne option : certains passent le long des voies ferrées. C’est aussi une bonne opportunité pour « se mettre dans l’ambiance ». Mais il y a parfois (ou plutôt trop souvent) une haie ou un mur qui va vous cacher la vue. Prenez le temps de faire un repérage sur Google Street View pour vous assurer que le trajet en métro ou en bus jusqu’au hobby shop local sera sympathique.
Voir aussi : Vieux trams à San Francisco
Il existe d’autres lieux évidents où l’on peut très facilement photographier des trains : Big boy nous avait présenté quelques sites de street running, où les trains roulent dans la rue. Hélas, ils se font de plus en plus rares. Malgré cela, ce sont des spots à ne pas manquer !

Les grandes gares pour voyageurs sont peu pratiques pour y faire des photos : soit vous allez prendre le train, donc vous avez un ticket qui vous donne accès au quai, soit vous n’avez pas de ticket et vous ne verrez pas grand chose. Mais parfois on peut avoir des bonnes surprises dans les pôles multimodaux, où vous pouvez acheter un ticket de transport pour ailleurs et ne pas quitter la gare si cela vous chante.
hargloub — Bien que cet article soit outrageusement tourné vers la photo ferroviaire, il n’en demeure pas moins que la visite des musées à la gloire de notre passion présents un peu partout constitue des cibles secondaires et moins « risquées » que le spotting en plein air !
BEn — Certains musées ont des collections qui peuvent correspondre à votre chemin de fer favori. On y trouve à la fois des trains, mais aussi de la documentation et des collections d’objets qui permettent de comprendre les trains de l’époque. Autre lieux à penser en terme de visite, les anciens sites ferroviaires reconvertis en lieux de tourisme, et, bien, entendu, les chemins de fer touristiques !
Que faut-il prévoir ?
hagloub — Il faut bien intégrer que la nature aux USA et Canada comporte un degré de « sauvagitude » supérieur à celui de notre hexagone national. Cela ne concerne pas que certains quartiers des grandes agglomérations, mais également, des endroits reculés, voire très reculés.
Quelques exemples :

Une fois arrivé là-bas, en discutant avec l’hôtelier, je lui raconte et lui montre ma bonne prise ferroviaire, en lui insistant la facilité avec laquelle j’ai pu opérer. Il connaît le coin et me demande si j’ai vu des fanions rouges. Oui, bien sûr, ils m’ont bien aidé à me guider. À ce moment-là j’apprends de sa bouche qu’ils ne sont pas là pour guider les photographes ferroviaires, mais pour indiquer aux randonneurs une zone dans laquelle se sont déroulées récemment une ou plusieurs attaques d’ours noirs ou de grizzlys… C’est pas en forêt de Fontainebleau que ce type de risque peut exister.


Autre classique danger de la faune, le fameux Robbie the rattler, le crotale ou serpent à sonnette bien familier de l’ouest américain. Celui-ci traînait près du banc de l’aire de spot Hill 58.2 à Cajon Pass. J’ai eu trop peur et j’ai fui à la vitesse de notre TGV record du monde !
Enfin je vous renvoie à la lecture de mon article sur Crawford Ranch pour obtenir une liste à peu près complète des rencontres à éviter avec la faune.
BEn — Parlant de « faune », les grandes gares dont je parlais sont parfois peu fréquentables de l’extérieur : entre autoroutes, absence de trottoire (une spécialité des USA) et homeless people, leurs abords ferroviaire ne sont pas les lieux les plus sécurisés qui soient. Idem pour les voies « abandonnées » en milieu urbain ou industriel : comme en Europe, non seulement elle ne sont pas forcément abandonnées, mais elles peuvent abriter de mauvaises surprises. Et ce sont des terrains privés.

Par contre, les changements sociétaux font que des lieux peu fréquentables il y a quelques années le deviennent. Je retrouvais mes collègues à Vancouver, dans un bureau loué pour la semaine. Une collègues, ancienne habitante de la ville, n’était pas rassurée par le quartier, réputé malfamé. Or celui-ci avait bien changé : boutiques de mode urban fashion, restaurants organic et autres espaces de coworking avaient pris d’assaut les anciens entrepôts le long du yard du Canadien Pacifique. Le bureau que nous occupions avait comme espace fumeur l’alley arrière, qui donnait directement sur les voies : j’ai eu ma dose de tabagisme passif en participant à toutes les pauses-clope, mais mazette, les beaux diesels !
hagloub — Également, la présence généralisée des armes à feu accompagnées de porteurs pas sympathiques du tout doit vous forcer à la plus grande attention et prudence dans les zones industrielles et périphériques des agglomérations. C’est pourtant là que se trouvent des installations ferroviaires et des trafics constituant de belles cibles photographiques.
Et même s’il ne s’agit pas de violence brute, pour l’anecdote, le fameux « Blue cut » dans la montée sud au Cajon Pass s’avère être un fameux coin de spotting, mais aussi le rendez-vous de la communauté gay de San Bernardino… Il faut partager ses passions ou changer de coin.
En résumé :
- Prévoyez là où vous allez, tenez-vous en à l’itinéraire défini, pas d’improvisation.
- Vérifiez l’accès en automobile en cas de hors-piste (berline, citadine pas recommandées, utilisez un SUV au minimum).
- Pas de baskets / tongs (ou des Louboutin si vous allez à Blue Cut), mais de vraies chaussures de marche, et vérifiez sur quoi vous mettez les pieds. Et cela vaut pour la ville également !
- Embarquez de l’eau dans une glacière (4 litres par personne et par jour) et buvez-là. Il y a des distributeurs de glaçons dans la plupart des hôtels, faites le plein dans des sacs à congélation le matin avant de partir. À pieds, prévoyez aussi de l’eau. Casquette et crème solaire évidemment.
- Certaines destinations sont loin de tout, littéralement. Les spotteurs américains conseillent parfois de prendre de l’essence en plus.
- Si vous spottez pendant l’hiver, n’oubliez pas que les températures peuvent être parfois polaires au Canada, ou dans le nord et l’est des USA. Si la météo indique -5°, c’est en Fahrenheit : c’est beaucoup, beaucoup plus froid qu’un -5°C [2].
Lieux interdits
hagloub — Autre clé du succès, connaître la signification et la conduite quand vous arrivez sur les cas suivants : le « right of way » et les « no-trespassing ».

Le « right of way » est la limite de propriété des compagnies ferroviaires. Toujours s’en tenir éloigné car parfois, cette limite quitte le gabarit ferroviaire classique pour s’étendre à des dizaines de mètres des rails. Pour être certain de ne pas pénétrer ce right of way, et risquer des ennuis avec la BNSF ou UP police, il faut spotter franchement loin des voies, soit opérer à partir d’un passage à niveau. En aucun cas ne traversez les voies en dehors des passages et zones prévues. En outre, il existe des pistes longeant la voie ferrée, se renseigner auprès des locaux avant de s’y lancer pour savoir si elles sont praticables au public.
BEn — Je me méfie du public pour ces cas de figure, car il n’est pas toujours bien informé. Certains pensent que c’est bon parce qu’ils y voient passer des gens... illégalement.
hagloub — Au-delà de l’aspect légal, ne perdez jamais de vue votre propre sécurité au passage des convois : ballast qui vole, objets dépassant du gabarit, etc.

« No trespassing » c’est notre défense d’entrer. La notion de propriété privée est omniprésente aux USA ; même si vous trouvez le spot charmant et désert, il appartient forcément à quelqu’un, qui ne partage peut être pas le bonheur d’accueillir des spotters sur ses terres, qu’il a amoureusement entourées de barbelés et de portails. La règle, c’est « je demande au propriétaire si je peux accéder », sinon je demeure sur la voie publique.
BEn — Parfois, ce no trespassing est très subtil à comprendre. Je traînais à l’Union station de Washington DC et je trouve enfin une fenêtre donnant sur les voies depuis un espère de corridor qui ressemble à un accès à un immeuble. Aucun panneau, mais le fait qu’il n’y ait personne aurait du me mettre la puce à l’oreille.
Voilà qu’un garde assis un peu plus loin se lève et m’aborde très gentiment pour me demander ce que je fais. « Je regarde les trains, j’adore ça ! » La réponse était toujours cordiale : « Hélas monsieur, vous ne pouvez pas être ici. C’est un accès privé. Je regrette. » Dommage !
Dans tous les cas, restez toujours polis avec la police, même si les forces de l’ordre mettent parfois un peu de tension dans les échanges. Avoir une preuve de votre passion peut parfois aider : un exemplaire d’un magazine ferroviaire dans votre sac est une piste souvent suggérée.
Dominique — Je n’avais jamais pensé aux revues ferroviaires sur le siège de la voiture mais c’est certainement une bonne idée.
De toute façon, pour faire du railfanning en Amérique du nord, il faut impérativement éviter de se trouver sur un domaine privé. Et le problème est que si tu n’es pas dans le domaine publique, tu es forcément chez une personne privée. Ce qui laisse peu de choix en dehors des endroits « dédiés » comme le Tehachapi Loop.
En pratique il faut rester sur les routes, et si celles-ci ne sont pas parallèles et de proximité immédiate avec une voie ferrée, il ne reste guère que les passages à niveau. Mais bon, même avec cette limitation, on trouve de bon spots.
Et le train miniature ?

BEn — Visiter un hobby shop est indispensable, au moins une fois, pour l’ambiance ! Malheureusement, il faut parfois s’équiper d’une voiture : les magasins ont fui les centres-villes et vu que les transports en commun sont peau de chagrin... Par contre, quelques boutiques ont pris le pli de s’installer pas trop loin d’une ligne ferroviaire !
hargloub — Comme pour les musées, le temps de pré-étude du tour se résume alors à la visite de leurs sites internet respectifs afin de connaître leurs horaires d’ouverture et leurs tarifs. Dans ces cas, la préparation, c’est 100% du succès.
Comment trouver les boutiques de trains miniatures ? Au-delà de la classique recherche Google « train dealer », rendez-vous sur les sites des fabricants de matériels (Kato, Atlas, Athearn, Bachmann, Micro trains, etc.). On y découvre presque toujours la liste de leurs réseaux de revendeurs, classés par état, avec toutes les infos nécessaires à une bonne identification.
Important : ne perdez pas de vue qu’aux USA, les prix affichés sont hors taxe. Selon l’état où vous achetez, une « state taxe » se rajoute, dont le taux varie entre 0% et 7,25%. Les états à 0% sont à ce jour (juillet 2022) : Alaska, Oregon, Montana Delaware et New Hampshire. Californie est à 7,25%, le taux le plus élevé de l’Union, New York à 4%, Floride 6%.
Je n’ai jamais pu acheter hors taxes, même en prouvant aux revendeurs que j’habitais en Europe et la marchandise n’était pas destinée à être consommée localement aux USA. La pratique du tax refund existe bien dans les outlets et malls, toutefois avec une commission de 15/20% ; mais on y trouve rien de ferroviaire dans ces temples du commerce. Toutefois, avec 1 dollar = 1 euro à mi-juillet 2022, les bonnes affaires ne sont plus celles qu’on a pu réaliser en achetant avec un Euro à 1,5 dollar. Comparez toujours !
N’oubliez pas enfin de déclarer vos achats à nos douaniers nationaux au retour, surtout si vous avez fait des folies de vos cartes bancaires ! Pour la France, voyez sur le site de la Douane.
En conclusion, passez de merveilleux moments ferroviaires aux USA et Canada ! Puissent ces quelques lignes avoir contribué à vos nombreux succès ferroviaires.