Trains des Amériques

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Make it run like a Dream de Joe Fugate : rêve ou réalité ?

Sauf mention contraire, Texte et photos : BEn
Trains des Amériques, août 2022

« Faites-le fonctionner comme un rêve » est la promesse que fait Joe Fugate pour votre réseau. Au travers d’une série de livres, il nous apprend comment la voie ferrée, le matériel remorqué et les locomotives peuvent atteindre une qualité de roulement sans précédent.

Est-ce que ce rêve est bien écrit entre ces couvertures ? Petite revue critique.

Vue sur le réseau Southern Pacific « Siskiyou Line » de Joe Fugate.
L’objectif de l’auteur est simple : que les trains roulement parfaitement.
© Joe Fugate, tous droits réservés

Prenez un modéliste expérimenté, détenteur d’un réseau sur lequel le roulement parfait des trains est un objectif fondamental. On se doute bien que tout sera fait pour que tout roule, littéralement.

Joe Fugate le reconnaît lui même : la plupart des informations présentées dans ces livres ne sont pas nouvelles, car on les trouve éparpillées sur de nombreux supports : magazines, livres, vidéos, normes, etc. Ce qui change, c’est de tout retrouver au même endroit, appliquées à un grand projet de réseau.

Joe a donc pris sa plus belle plume (ou, plus vraisemblablement, son clavier) et a commencé la rédaction de trois livres sous le titre Make it run like a Dream.

Trois livres prévus, deux publiés

Cette série a déjà deux titres publiés : un sur la voie et ce qui s’y rattache (trackwork, paru en 2016), et un sur le matériel remorqué (rolling stock, 2018). Le volume sur les locomotives est attendu ; des sneak peeks [1]sont régulièrement publiés pour les personnes ayant déjà acheté leur copie.

Les volumes sont disponibles au format e-book (14,99 USD pièce, 40 USD les trois), et papier (29,99 USD pièce, 90 USD les trois) ; des promos sont régulièrement proposées aux lecteurs de Model Railroad Hobbyist. Vous pouvez aussi acheter chaque livre individuellement.

Même si, pour le confort de lecture, je préfère le papier, je suis parti sur la version e-book afin de bénéficier des liens présents dans le texte, et de pouvoir facilement trouver des termes précis dans les fichiers, via l’outil de recherche de mon lecteur de pdf.

Joe présente ses livres comme étant un ensemble de guides de bonnes pratiques, ce qui se confirme à la lecture. Sa base de travail est une théorie industrielle dont l’idée est de rendre les choses plus prévisibles pour obtenir une bonne performance. Comment réussir cela ? Chaque livre le détaille : avoir un fournisseur unique dont on connaît bien les produits (roues, voies, attelages...), suivre scrupuleusement les normes, choisir les meilleurs matériaux, etc. C’est simple, mais efficace.

Pour Joe, « rendre les choses plus prévisibles est à la base d’une bonne performance » et l’application, exemples à la clé, montre que l’approche est intéressante à suivre.

L’anglais et l’impérial pourraient poser problème

Les livres sont sont bien écrits et fluides à lire, mais avec un niveau d’anglais que je trouve assez élevé. Les textes sont rédigés par une personne dont l’anglais est la langue maternelle, pour quelqu’un une audience partageant les mêmes caractéristiques. C’est justifié car le marché américain est énorme : pourquoi aller à l’international ?

Bien que je travaille en anglais depuis plusieurs années, et que je connais pas mal d’anglicismes typiques des USA, il m’a fallu recourir de temps en temps au dictionnaire pour certains termes et expressions non-ferroviaires. Ce n’est pas insurmontable, mais mon « moi » d’il y a quelques années aurait rapidement laissé tomber. Heureusement, le Web est de bon secours : Linguee permet de lever rapidement les difficultés des idiomatiques nord-américains ; pour les termes ferroviaires, le glossaire de Trains des Amériques, mis à jour depuis ma lecture, vous aidera !

Un exemple des nombreux tableaux qu’il faudra convertir au système métrique

Passé l’anglais, le plus gros problème pour lire ces livres vient des mesures de longueurs. Toutes sont en impérial, et il n’y a pas de conversion métrique (ou si peu). D’accord, le lectorat de ces livres habite principalement en Amérique du nord où les unités de mesure anglo-saxonnes prédominent [2], mais le reste du monde utilise les mètres et les grammes (et des degrés Celsius). C’est particulièrement pensant pour le volume sur la voie. Une fois de plus, c’est une question de marché...

Même avec un bon guide de conversion, la lecture se retrouve parfois bloquée par une donnée chiffrée inintelligible à moins de se triturer les méninges. Certaines parties, où les chiffres dominent, deviennent rapidement abstraites. Rappelez-vous cependant que les normes NMRA citées dans le livre en impérial sont disponibles sur nmra.org en métrique.

Cet aperçu global des 3 2,37 livres [3] étant fait, voyons ce qu’il en est sous chaque couverture.

La voie

Joe aborde le sujet de la voie ferrée sous l’angle suivant : on peut avoir un réseau merveilleusement décoré, avec du matériel roulant exquis, mais si la voie ne suit pas, alors le rêve d’un réseau parfait s’écroule. Il attribue ce défaut la propension qu’ont les modélistes à vouloir une grande quantité de voies au lieu d’avoir une grande qualité de voies.

Et la voie, c’est rapidement un problème : « lorsqu’une loco ou un wagon présente des problèmes, vous pouvez le retirer du réseau jusqu’à ce qu’il puisse être réparé ou remplacé. Il n’en va pas de même pour la plate-forme et les rails : ils sont là pour rester ». Il faut donc prendre des dispositions avant de créer le réseau, ou ne pas hésiter à reprendre ce qui a déjà été fait et qui cloche (chose assez facile quand on est encore dans la phase plywood Pacific).

Dans ce livre, Joe se concentre donc sur la lutte contre les déraillements, et sur la meilleure performance des trains à vitesse réduite ou sur des tracés complexes (yard ladder, etc.).

Comme pour les autres livres, le principe de maintenance préventive domine : on unifie la qualité des composants du réseau et on conçoit son développement de manière à ce qu’il cause le moins possible de surprises. C’est donc logiquement que le livre aborde :

  • les types de voies,
  • le gabarit,
  • les courbes de rayon (avec une approche différente de celle généralement choisie),
  • les pentes et rampes,
  • les appareils de voie,
  • le raccordement entre les voies et *reprend son souffle*
  • les gares cachées.

Bref, tout est là, et c’est très complet, malgré l’aridité des tableaux en impérial qu’il faut convertir, comme déjà évoqué.

Joe présente de nombreux tours de main en prenant son réseau en exemple.
Ici, comment cacher l’alimentation des voies tout en la maintenant accessible pour maintenance.
© Joe Fugate, tous droits réservés

Dans chacun de ces grands thèmes, on trouvera de nombreux détails : l’utilisation du gabarit NMRA, le choix des matériaux pour créer la structure du réseau, comment contrôler une rampe en courbes, comment améliorer des appareils de voie du commerce pour qu’ils soient aux normes, etc.

Sont ajoutés quelques trucs sur le câblage et la commande des appareils de voie, la maintenance et le nettoyage des voies et aiguilles et, bien entendu, quelques lignes pour diagnostiquer et réparer.

Personnellement, j’ai déjà retiré pas mal de choses de ces livres : certaines de mes aiguilles sont passées au niveau supérieur concernant leur design (je vais même en remplacer) et j’ai à présent quelques pistes à explorer pour des coins où mes trains déraillent fréquemment. Je compte également appliquer les méthodes présentées à mes prochaines réalisations modélistes.

Il y a une garantie dans les trois livres : Joe ne pratique pas la théorie. En effet, tout a été testé et approuvé.

Le matériel roulant

Pour le matériel roulant, l’approche reste la même : un wagon peut être très beau, mais son roulement peut être catastrophique ce qui ruine le plaisir. Joe l’annonce tout de suite : « obtenir du matériel roulant qui fonctionne comme un rêve n’est pas le fruit du hasard, mais d’un effort délibéré ». Et cela passe, évidemment, par une unification des matériels employés (attelages, bogies...) : définir quelle norme sera suivie pour l’ensemble du matériel roulant.

Tout ce qui est sur l’image permet d’atteindre « le rêve » : il faut donc peu de choses.
Avec quelques outils existants ou faciles à construire vous aurez un parc de wagons qui fonctionne de manière optimale. Ce volume détaille cela et le prouve.
© Joe Fugate, tous droits réservés

Sans surprise, on retrouve les éléments clés pour qu’un wagon roule bien. Tout d’abord la sainte trinité « bogies et roues, attelages, poids ». Mais aussi, et c’est moins fréquemment abordé ailleurs, la caisse du wagon concerné. L’ensemble s’accompagne d’une recommandation pleine de bon sens (comme bien des recommandations dans ces livres) : il faut tester le matériel pour s’assurer qu’il suit les normes définies avant de le poser sur le réseau, et l’entretenir.

Comme pour la voie, le livre se termine par un chapitre sur les bugs les plus courants, ainsi que sur quelques trucs pratiques.

Ce volume est très différent du précédent, car il regorge de tours de main et d’applications pratiques ; par exemple, il y a 9 manières de gérer le poids des wagons !

Les exemples sont très orientés HO malgré la promesse de l’auteur de prendre en compte le réseau en N de son petit-fils. Malgré ce petit biais, les recommandations sont parfaitement applicables : n’avoir qu’un seul type d’attelage vaut pour toutes les échelles.

Honnêtement, c’est le volume qui m’a le plus séduit par son aspect pratique, moins « prise de tête » que celui sur la voie. S’il ne faut en acheter qu’un, ce serait celui là. J’ai donc hâte de voir celui sur les locomotives.

Les locomotives

Difficile de faire une critique complète de ce dernier volume car il n’est pas encore paru, Joe ayant une revue à gérer (qui a souffert de la pandémie) et un déménagement en cours. Mais j’ai plutôt confiance, vu que les deux précédents volumes ont apporté beaucoup à ma pratique ferroviaire.

Ma crainte est que que certaines spécificités liées au HO (comment sonoriser telle ou telle machine) ne me soient guère utiles en N, mais qui sait ? De plus, je ne sais pas encore si je serai attaché au 1:160 dans le futur, donc je pars du point de vue que chacun des points abordés sera utile.

Le sommaire indique que le focus est, comme d’habitude sur le préventif : rodage, test et lubrification ; captation électrique. On passera ensuite au DCC et à la programmation, puis à l’éclairage, la sonorisation, le réglage et l’entretien. Joe conclut ensuite avec le réalisme des opérations des locomotives, un terme a-priori universel.

Sans trop en dévoiler, les aperçus du travail en cours sont intéressants. Et même avec un livre incomplet, j’ai déjà commencé à en bénéficier. Par exemple, un des chapitres dévoilés m’a convaincu de bricoler un banc de test pour mes machines, similaire à celui que Joe présente.

On refera une critique à sa parution !

Alors, ça vaut le coup ?

La réponse est simple : si vous maîtrisez l’anglais, oui, ça vaut le coup. Si vous avez un réseau en HO, c’est encore plus vrai !

Les techniques rassemblées dans ces livres sont simples à mettre en œuvre, et, pour celles que j’ai essayées (calage des mes aiguilles, poids du matériel remorqué...), ont un résultat immédiat. Si les exemples sont en HO, la majorité d’entre eux sont applicables à une échelle plus petite, a fortiori ils le sont également pour le S ou le O.

Le seul bémol vient des tableaux de chiffres en pieds et pouces, qui sont malheureusement en impérial. Là, il vous faudra vous poser et ouvrir un tableur pour faire les conversions pour les sujets qui vous intéressent, un effort qui, ici, en vaut largement la peine.

Et on a hâte de lire le volume sur les locomotives !


Joe et son réseau Siskiyou
© Joe Fugate, tous droits réservés

Joe Fugate

Joe Fugate est le créateur de Model Railroad Hobbyist, une revue de modélisme ferroviaire en ligne, mensuelle et gratuite (avec un complément payant).

Il pratique activement le modélisme ferroviaire depuis la fin des années 1960. Dans les années 1980, il démarre un grand réseau, dédié à la Siskyou line su Southern Pacific, réseau qu’il démantèle en 2022 pour le refaire, en mieux.

Joe a signé pas mal d’articles dans d’autres revues, développant des concepts aussi divers que le mushroom layout, le TOMA, l’utilisation d’ampoules de feux d’automobiles pour la gestion des courts-circuits en DCC ou le concept du spline roadbed.



Galerie

Joe et son réseau Siskiyou
Crédit image : © Joe Fugate, tous droits réservés
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Joe et son réseau Siskiyou
Crédit image : © Joe Fugate, tous droits réservés

Notes

[1Des avant-goûts.

[2Le Canada, bien qu’au système métrique, est une victime collatérale de la dominance des USA et a donc appris à s’adapter.

[3Calcul basé sur le nombre de chapitres déjà disponibles à date de la rédaction de cette critique. :)

À propos de l’auteur

Modéliste ferroviaire depuis l'adolescence, je travaille aujourd'hui sur un réseau en N canadien orienté opérations ferroviaires. J'aime aussi sortir des sentiers battus (la voie étroite n'est jamais loin) et réfléchir à la pratique modéliste.

Voir sa présentation et ses articles.

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